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Toute référence à ce texte doit porter la mention suivante : Mazars Guy, Schaun Anne, " Un système d'information sur l'Âyurveda : le projet Ayurbase (1987-2003). 15 mars 2004. Edition corrigée le 15 juillet 2004 [+ date d'accès au site.] <http://ayurveda.france.free.fr/projet/ayurbase.htm>


Un système d'information sur l'Âyurveda:

Le projet Ayurbase (1987-2003)

Guy Mazars et Anne Schaun

 


ABSTRACT

The AYURBASE project was launched in december 1987 with the assistance of the French Société des Etudes Âyurvédiques as the result of previous discussions. The aim of the project was to compile information on the traditional medicine of India and South East Asia.

The project which will take several years to complete was oriented primarily towards the compilation of a data bank relating to the plants used in Âyurveda, the most famous and most widely used system of traditional medicine in the Indian subcontinent.

Âyurvedic medicine which is known through an extensive scholarly literature, not only in sanskrit but also in other Indîan languages, has made use of more than 3000 plant species, of which at least a thousand are used in various forms in present day prescriptions.

The present paper is concerned mainly with the structure of the database, with its content, the different stages of its development and its applications.

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Lancé au mois de décembre 1987, sur la base d'une réflexion déjà ancienne et avec le concours de la Société des Etudes Âyurvédiques, le projet AYURBASE avait initialement pour objectif la réalisation d'un système d'information sur les médecines traditionnelles de l'Inde et de l'Asie du sud. Il s'inscrivait donc dans le programme d'inventaire et de valorisation des pharmacopées traditionnelles que s'efforcent de promouvoir, depuis plusieurs années, des organismes comme la Société Française d'Ethnopharmacologie.

Le programme de ce projet, dont la réalisation devait s'étaler sur plusieurs années, prévoyait notamment la constitution d'une base de données sur les plantes de la médecine âyurvédique, la plus célèbre et la plus répandue des médecines traditionnelles du sub-continent indien.

Cette médecine âyurvédique, qui nous est connue par une abondante littérature savante, non seulement en sanskrit mais aussi en d'autres langues de l'Inde, a utilisé, plus de 3000 espèces végétales dont un bon millier entrent, sous des formes diverses, dans la composition des remèdes composés encore prescrits de nos jours.

Le présent rapport reprend, en le complétant, celui qui a été publié dans les Actes du 1er Colloque Européen d'Ethnopharmacologie (Metz, France, 22-25 mars 1990) sous le titre Le projet Ayurbase (Note 1). Cette première présentation du projet, à l'occasion d'un colloque d'Ethnopharmacologie, avait été surtout consacrée à la base de données sur les plantes de la pharmacopée âyurvédique, à sa place dans la structure envisagée, à son contenu, aux différentes étapes de sa réalisation, à ses applications et à son état d'avancement au début de 1990.

LA PHARMACOPEE AYURVEDIQUE

Les principaux remèdes préconisés par l'Âyurveda sont à base de plantes. On note aussi l'emploi d'un certain nombre de substances d'origine animale ou minérale. Tous ces produits naturels ont servi à la confection de milliers de remèdes composés aux formules parfois très complexes. Cette complexité des compositions s'explique par le souci de combiner les différents ingrédients de manière à contrebalancer, d'accroître ou de prolonger les effets des uns par les propriétés des autres, conformément aux conceptions de l'Âyurveda. D'autres substances figurent tout simplement dans les formules comme agents de sapidité ou comme excipients.

Quant à la multiplication de ces recettes au cours de l'histoire, elle peut s'expliquer par l'étendue de la période d'élaboration de l'Âyurveda (plusieurs siècles), par la multiplicité des lieux d'élaboration, sans doute aussi par le manque d'efficacité de certaines d'entre elles, qui a poussé les médecins indiens à en rechercher constamment de plus actives, tout en conservant des recettes anciennes. Ces dernières ont elles-mêmes subi au cours des siècles des modifications visant à en diversifier ou à en améliorer les effets, par des ajouts, des suppressions et des substitutions d'ingrédients ou des opérations supplémentaires. Ainsi des plantes chères ou introuvables ont été supprimées ou remplacées par des succédanés locaux ou meilleur marché.

Les formes médicamenteuses sont variées: poudres, infusions, décoctions, macérations, électuaires, pilules, liniments, onguents et autres. En dehors des préparations aqueuses, l'excipient habituel est l'huile ou le "beurre clarifié" (ghi), mais on utilise aussi le lait et le miel. Quant aux modes d'administration des remèdes âyurvédiques, ils dépendent de la nature du médicament et / ou de la localisation du mal. Un certain nombre de préparations sont administrées par voie orale ou rectale. D'autres sont réservées à l'usage externe.

Bien des plantes de la pharmacopée âyurvédique ont fait depuis longtemps la preuve de leur efficacité. Toutefois, ce n'est qu'à une époque relativement récente qu'on a entrepris de les étudier scientifiquement, tant en Inde que dans les pays occidentaux. Le recensement et l'identification de la plupart des plantes utilisées pour la préparation des remèdes décrits dans l'ancienne littérature médicale ont été achevés dans les années 1970. Parallèlement on en a entrepris l'étude chimique. C'est l'activité essentielle du "Central Drug Research Institute" de Lucknow où ont déjà été étudiées près de 3000 espèces végétales (Note 2).

En Inde, l'expérimentation clinique des remèdes traditionnels représente une partie importante des recherches actuelles. Mais jusqu'ici ces recherches ont surtout porté sur des médicaments composés d'une seule plante. Or la plupart des préparations âyurvédiques comportent souvent plusieurs dizaines d'ingrédients. De plus, une même préparation peut être utilisée contre des affections très différentes. Il est difficile, dans ces conditions, de déterminer exactement les indications thérapeutiques de chaque ingrédient et d'en apprécier les effets possibles. Cependant, certaines plantes sont plus souvent indiquées pour une même affection ou contre des maladies se traduisant par des symptômes voisins. On peut alors leur supposer une action propre relativement spécifique qu'il reste à confirmer par des études en laboratoire.

Bien que les investigations chimiques et pharmacologiques se soient multipliées au cours de ces dernières années, on est encore bien loin d'avoir fait le tour de toutes les ressources de l'Âyurveda en matière de plantes médicinales, d'une part en raison même de la richesse de sa pharmacopée, d'autre part en raison de la complexité et des difficultés de ces recherches. Ainsi, faute de précisions concernant la nature de l'organe retenu, le moment de la récolte, la façon de transformer la drogue brute en médicament utilisé, ou encore l'affection réellement visée par le médicament, chimistes et pharmacologues ont souvent été abusés et ont perdu un temps précieux, les uns à isoler des substances sans intérêt, les autres à essayer en vain de mettre en évidence des effets mal définis (Note 3).

A quoi servirait-il d'identifier les ingrédients d'anciens remèdes âyurvédiques si l'affection visée par ces remèdes n'est pas elle-même clairement identifiée ? Des informations recueillies sur les indications thérapeutiques des plantes médicinales de l'Inde ont souvent induit en erreur des chercheurs ignorants des conceptions étiologiques et nosologiques de l'Âyurveda et de l'évolution de ces conceptions au cours des siècles.

Jusqu'ici, l'abondance même des textes sanskrits, leur caractère répétitif et stéréotypé faisaient obstacle à la recherche. Par ailleurs, il s'agit de textes vivants qui ont été sans cesse remaniés, les rédacteurs successifs y ayant incorporé les fruits de leur propre expérience. La nécessité s'imposait donc depuis longtemps d'en entreprendre une synthèse sous la forme d'une banque de données informatisée.

STRUCTURE DE LA BASE DE DONNEES

Le noyau d'AYURBASE est constitué par l'ensemble des programmes de création, maintenance et interrogation des différents fichiers documentaires, bibliographiques ou de données. La structure de l'ensemble est reproduite ci-dessous (voir fig. 1.) telle qu'elle apparaissait sur les écrans des ordinateurs, à partir du mois de janvier 1990 (Ayurbase, Version 2.1).






Fig. 1. - Structure de la base de données (Janvier 1990)

Dans cette structure, le fichier "Matière médicale végétale", le "Thésaurus des recettes médicales" et la "Banque de données bibliographiques" (en bas et à gauche de l'écran) composaient déjà, à cette époque, une sous-base "plantes médicinales".

METHODES ET CONTENU

Les documents pris en compte pour la constitution de cette sous-base sont de deux types. Il s'agit, d'une part, des documents anciens et modernes relatifs aux médecines traditionnelles de l'Inde, d'autre part de la littérature secondaire.

Le premier type de documents comprend les textes anciens - principalement les textes sanskrits : traités généraux de thérapeutique, traités spécialisés, répertoires de matière médicale, recueils de recettes, ainsi que les publications modernes de médecine traditionnelle éditées en Inde.

Le second type de documents regroupe les enquêtes ethnomédicales, les ouvrages et les articles scientifiques. Les études sur l'Âyurveda et les plantes médicinales de l'Inde ont donné matière à un nombre considérable de publications dans plusieurs langues et surtout en anglais.

Suivant leur intérêt, ces documents ont fait l'objet de différents types de dépouillement:

Toutefois, en raison du volume de la documentation existante, il a bien fallu faire des choix, tout en veillant à ce que les critères adoptés permettent néanmoins un développement ultérieur du projet. C'est ce qui a entraîné la décision de "couvrir" les divers types de sources et de documents accessibles, afin d'inventorier les problèmes particuliers posés par chacun d'eux: traités généraux de thérapeutiques ou manuels spécialisés, répertoires de matière médicale (nighantu) et recueils de recettes, rapports d'enquêtes ethnologiques, etc.

Dès le lancement du projet, il avait aussi été décidé, au moins dans un premier temps, de limiter l'exploration à la médecine âyurvédique tout en recherchant les solutions techniques qui permettent l'ouverture du système aux autres traditions médicales de l'Inde (médecines Siddha et Yûnânî) et de l'Asie du Sud.

S'agissant de la médecine traditionnelle la plus répandue en Inde, la médecine âyurvédique est aussi celle sur laquelle nous disposons de la documentation la plus étendue et des informations les plus sûres. Ce choix offre donc tous les avantages et toutes les garanties qui résultent de l'existence d'une longue tradition à la fois savante et pratique bien établie, qui utilise, parfois depuis des siècles, un grand nombre de remèdes d'efficacité constatée et constatable, et qui connaît dans quels cas et dans quelles conditions ces remèdes doivent être employés.

L'ETAT DES TRAVAUX

Les premiers travaux ont débuté dès le lancement du projet, en décembre 1987, sur la base de réflexions et de recommandations déjà anciennes. En effet, les orientations du projet découlent des orientations et des priorités de la recherche dans le domaine des médecines traditionnelles de l'Inde, telles qu'elles ont été définies au cours de différentes réunions internationales depuis 1976, notamment à l'occasion des colloques suivants:

Table Ronde du Centre National de la Recherche Scientifique sur l'Apport des médecines asiatiques à la médecine universelle, Strasbourg, 21-23 mai 1976. A cette Table Ronde avaient notamment participé (pour la partie concernant l'Âyurveda) Jean Filliozat, Guy Mazars, Hélène Stork et Alix Raison.

Journées d'Etudes sur la médecine indienne, Strasbourg. 19-20 juin 1978, auxquelles prirent également part R.E Emmerick et G.J Meulenbeld.

Colloques internationaux sur Les médecines traditionnelles de l'Asie, Paris, 11-12 juin 1979 et Strasbourg, 8-10 septembre 1980 - International workshop on "Priorities in the Study of Indian Medicine", Groningen, 23-27 octobre 1983.

Au début du projet, il avait surtout été question de réaliser une base de données bibliographiques (Note 4). Par la suite, en raison des progrès de l'informatique, il a été possible d'envisager un projet plus ambitieux mettant à profit les avantages offerts par les micro-ordinateurs qui permettent de stocker, trier, comparer de grandes masses de données, d'opérer des sélections, d'effectuer des recherches croisées, d'établir des corrélations, etc.

L'étude préliminaire (méthodologie, faisabilité, etc.) a eu lieu en 1988. Un premier travail a consisté à définir les objectifs, les utilisateurs, le type de données, les scénarios d'utilisation, les moyens nécessaires pour la création et le fonctionnement de la base de données. Parallèlement, la documentation disponible au début du projet a été complétée au cours de missions en Inde. L'analyse des documents et la saisie des données ont commencé la même année.

Recherches documentaires, analyse et saisie d'informations se sont poursuivies en 1989 et 1990 en même temps que l'élaboration du logiciel du noyau.

LES ASPECTS TECHNIQUES

Jusqu'en 1993-1994, la saisie des données et les premiers essais ont été faits sur du matériel informatique compatible IBM PC/XT et AT. La figure 2 reproduit la page d'accueil d'Ayurbase (Version 2.1) sur ce type de matériel.




Fig.2. - Page d'accueil avec le menu principal

Dès 1988, il a été possible de procéder à des tests de logiciels disponibles sur le marché avec de petits fichiers réalisés dans ce but. Au vu des résultats, il est apparu nécessaire de concevoir des programmes plus appropriés aux objectifs. C'est pourquoi, à partir de septembre 1988, de petits programmes ont été spécialement élaborés pour faciliter la réalisation de fichiers ou permettre certains types d'interrogation des données, ce qui a permis de procéder à de nouveaux tests dans le courant du printemps 1989. Les résultats de ces essais et de ceux qui ont suivi, les difficultés rencontrées et l'expérience acquise en essayant de les surmonter ont conduit, en définitive, à des améliorations notables du projet initial.

LA SOUS-BASE "PLANTES MEDICINALES"

C'est pour la réalisation de cette sous-base qu'il a été possible de rassembler le plus de matériaux. La documentation amassée concerne actuellement plus de 2500 espèces végétales dont plus de 600, appartenant à 120 familles, sont fréquemment utilisées, aujourd'hui encore, par les praticiens de l'Âyurveda.

En outre, ont pu être réunies des informations sur la composition, le mode de préparation, les indications, le mode d'administration et la posologie d'environ 10000 recettes anciennes et quelques centaines de spécialités modernes de la médecine âyurvédique. En effet, il y a actuellement deux types de phytomédicaments âyurvédiques sur le marché : des médicaments classiques et des spécialités modernes. Les premiers sont ceux dont la préparation est décrite dans les anciens traités médicaux sanskrits. Ils ont gardé les noms sanskrits sous lesquels ils ont été transmis par la tradition. Leurs recettes sont dans le domaine public et tout laboratoire peut en produire. Il y avait par exemple, en 2001, 25 compagnies qui fabriquaient la fameuse "poudre des trois fruits" (triphalacûrna) qui est un mélange des poudres (cûrna) des fruits séchés des trois myrobalans : Emblica officinalis Gaertn., Terminalia chebula Retz. et Terminalia bellirica Roxb. (Note 5).

L'analyse et la mise en fiches de ces données devaient alimenter les fichiers de "matière médicale végétale" et de "botanique" ainsi que le "thesaurus des recettes médicales" de la base (Voir menu de consultation de ces fichiers - Fig. 3).

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Fig. 3. - Menu de consultation des fichiers documentaires

A cet effet ont été conçus différents modèles de fiches de saisie. Parallèlement ont été explorés les possibilités offertes par des procédés de saisie optique qui permettraient l'enregistrement intégral des recettes dans la langue originale. A la fin des années 1980, ces procédés étaient encore lents et coûteux.

Le travail qui a été effectué sur cette sous-base jusqu'au début de 1993 a permis, dans un premier temps, la réalisation d'un module d'essai et de démonstration ne couvrant que quelques domaines de l'application des plantes médicinales en médecine âyurvédique.

Les fichiers de plantes médicinales et de recettes se présentaient alors comme des répertoires (voir Fig. 4.) fournissant pour chacune des plantes et des recettes étudiées les différentes utilisations attestées, et pour chaque affection les plantes et recettes prescrites, ainsi que des tables de concordances.




Fig. 4. Page-écran du fichier "Matière médicale végétale"

Les progrès de la micro-informatique, la baisse des coûts et le développement de l'Internet, dans les dernières années du XXe siècle, ont ouvert des perspectives nouvelles. Des problèmes qui semblaient insurmontables aux alentours de 1995 sont aujourd'hui résolus et les retards accumulés au cours de ces dernières années pourraient être rattrapés.

Une fois achevée, cette base de données sera un puissant outil d'aide à la recherche grâce à la masse documentaire disponible, à la rapidité d'accès à cette documentation et aux multiples applications prévues. Il sera possible, par exemple, d'établir des listes de plantes par auteur et par époque, des synonymies, de faire apparaître les concordances entre différentes recettes, de fournir des listes de succédanés, etc., un Index général complétant le dispositif (Fig. 5.).




Fig. 5. - Menu de consultation de l'index général

L'exploitation judicieuse de cette base de données devrait permettre notamment de faciliter la sélection de plantes médicinales pour la recherche pharmacologique. En effet, plutôt que de procéder au screening de centaines de plantes pour une utilisation thérapeutique particulière, il est à la fois plus rapide et moins coûteux de tester une plante dont les usages traditionnels laissent supposer une action propre relativement spécifique.




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